Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901)

Un article de Marie-Claude Brun

 

 

Né le 24 novembre 1864, Henri Marie Raymond de Toulouse Lautrec Monfa, peintre du post-impressionnisme, s’illustra surtout par ses portraits, ses estampes, ses remarquables lithographies, renouvela l’art de l’affiche et fit une description réaliste de la vie parisienne de la fin du XIXème siècle. Ce qui était essentiel en lui, son dessin, était inimitable.

Sa jeunesse :

Né du comte Alfonse de Toulouse Lautrec Monfa (1838-1913), aristocrate original, libre en marge des morales et des codes de la bourgeoisie de son temps, impulsif mais passionné, le comte Alfonse était un home de coeur, trop honnête pour jouer la comédie du mari et du père modèle ; il avait compris qu’il n’était pas fait pour cette vie-là, mais le minait aussi la conscience d’avoir entraîné avec lui dans cette impasse son épouse et son fils. L’extravagance n’est-elle pas au père ce que l’alcool est au fils, hommes seuls tous les deux ?

Le côté excessif de sa vie débridée ressemble à une fuite en avant dans l’extravagance. Cette dédicace sur le traité de fauconnerie donné à son jeune fils Henri : “Ce petit livre de fauconnerie t’apprendra à apprécier la vie, le cheval en première ligne, puis le chien et le faucon pouvant être des compagnons précieux faisant oublier un peu” montre l’épaisseur du personnage qui n’a pas un coeur sec comme on l’a laissé entendre.

Adèle Tapié de Céleyran (1841-1930) mère d’Henri le peintre et de Richard mort à l’âge d’un an, promise à une vie facile et heureuse (intelligente, cultivée, jolie, fortunée) aura un destin tragique qui commence par son mariage avec son cousin germain, viennent ensuite les accidents, le deuil de son enfant, l’infirmité d’Henri et son long suicide par l’alcool et sa mort qui signifiait  pour elle la solitude. Sa famille parlait d’elle la disant froide, austère et aigrie. Elle fut pourtant toujours pour son fils une mère attentive, une présence et un refuge.
Jeune elle lui apprend l’anglais, lui donne le goût de la lecture aussi de la formule juste, de l’ellipse qu’Henri transformera vite en en mode permanent d’expression. Après ses accidents, elle se mue en infirmière attentive et éclairée, infatigable. Henri adulte installé à Paris dans son atelier, reviendra souvent chez sa mère. Il y prend fréquemment ses repas. Il existait entre Henri et sa mère une complicité et une liberté de ton, rare à cette époque. Ses parents se séparent en 1872. Vers cette époque, sa mère s’installe à Paris puis à Neuilly.

La comtesse de Toulouse Lautrec - 1883



Les demeures familiales :

L’hôtel du Bosc à Albi ‘est la maison natale d’Henri. Cette vieille bâtisse de brique rose s’appuie aux anciens remparts de la ville et le chemin de ronde lui sert de terrasse tout le long du premier étage. C’est dans cette maison qu’il se fractura le fémur gauche en 1878. L’année suivante il se fracture le fémur droit. Fractures dues à une anomalie congénitale, Henri restera infirme et ne dépassera pas 1 m 52. Immobilisé pendant sa convalescence, Henri dessinera en compagnie de son oncle Charles et de son père.

Le Château de Bosc en Rouergue. C’est le berceau familial, dans la famille au moins depuis le XIIème siècle, le château est à proximité des ravins du Viaur dont il garde le passage. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, ces terres du Ségala ne sont que des landes acides plantées de genêts et battues par les vents. Autour du château la campagne est ouverte et sauvage. Dès cinq heures du matin on entendait les sabots des chevaux résonner sur les pavés de la cour, toutes les générations se préparaient pour la chasse au sanglier dans les ravins et la meute faisait un bruit assourdissant.

Céleyran
C’est la demeure du côté maternel ; belle “villa à l’italienne” toute en longueur couverte de tuiles rouges du Midi, entourée d’une végétation méridionale et exotique. Henri aima beaucoup Céleyran où il fit de nombreux séjours. Beaucoup de ces oeuvres de jeunesse montre le parc où il fit poser ses parents et domestiques.

Malromé en Gironde
La comtesse de Toulouse Lautrec l’acheta en 1883. C’est Henri qui en sera le véritable maître de maison. Il affectionnera les séjour à proximité de l’océan et sa mère par le voisinage du château de Repside chez ses cousins Pascal. Malromé est voisin d’une autre maison connue, Malagar de François Mauriac. En 1899, à la sortie de son séjour dans la maison de santé du Dr Semelaigue, le château Saint James rue de Madrid à Neuilly, sa mère l’a confié aux soins de Paul Viaud qui veillera constamment sur lui. Henri fera le portrait de Viaud en amiral, l’un des derniers en 1901. Mais il n’en peut plus, se remet à boire et meurt le 9 septembre 1091. Tout d’abord enterré au cimetière de Saint André du Bois, il repose au cimetière de Verdelois près de Malromé.

Les chevaux :


Henri est élevé dans la vénération éperdue du cheval et ses premiers croquis de chevaux, chiens, faucons seront baume au coeur paternel. On chasse à courre et c’est encore l’époque des équipages ; on visite le voisinage dans un vis-à-vis à deux chevaux.
Henri monte à cheval et chasse jusqu’à ses accidents qui lui interdiront bientôt tout sport, mais il les dessinera et les peindra toujours.

 

Au bois

 

L'amazone et le chien

 

Les chiens :


Les chiens ont toujours partagé, au même titre que les chevaux, la vie de la famille Toulouse Lautrec. Venaient d’abord les Saint Hubert de la meute, compagnons des bois et des champs dont les générations se succédaient au chenil. Lors de la chute mortelle du grand-père d’Henri dans un ravin du Viaur pendant l’hiver 1871, les chiens rentrant sans leur maître avaient tout de suite alerté la maisonnée. Il y avait aussi les chiens les plus privilégiés qui avaient le droit de s’étirer au pied des landiers de la cheminée de la grande salle, chacun avait sa race préférée. Le compte Alphonse qui chassait à courre et découplait quatre-vingt chiens, les tantes qui avaient un petit épagneul, un bull blanc nommé “Qui Pleure”, Margot la griffonne, immortalisée par Henri, Dick qui mordait les mollets des enfants, la tribu des bouledogues : Tuck, Prinj et Saïda, les Rip de la mère d’Henri pareil à celui de “la voix de son maître”, une petite bassette amie et compagne du lévrier Seghi. Il y avait les Monettes, petites chiennes qui portaient toutes le même nom qui était celui de leur dynastie.

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"Bouboule", la chienne de Madame Palmyre


Sa peinture :

En 1872 pendant son séjour à Paris, il fréquente l’atelier du peintre animalier bordelais, familiers du comte Alphonse, René Princeteau (1839-1914) qui fut son premier maître. En 1881, René Princeteau décide les parents d’Henri à le laisser apprendre la peinture chez Bonnat.
Lautrec entre dans son atelier, mais Bonnat est un peintre froid et académique, tyrannique qui lui reprochera son dessin atroce. !
En 1883, l’Atelier fermera bientôt et Lautrec passera chez Cormon, peintre à succès non moins académique. Il y trouvera des artistes attirés par l’art moderne comme Emile Bernard qui créera l’Ecole de Pont-Aven, et même Van Gogh dont il sera l’ami pendant son séjour parisien. Il appréciera l’enseignement technique de Cormon et restera dans son atelier.
En 1884, Lautrec est attiré par l’art nouveau, Degas et les impressionnistes. Il s’installe en plein Montmartre où il trouvera ses modèles dans les lieux de plaisir qui s’ouvrent dans le quartier ; café-concerts, théâtres, bals...
Au cabaret “Le Mirliton” il devient l’ami de Bruant.
Lautrec subira son influence pendant quelques années. Le chanteur lui fait connaître le monde interlope des faubourgs. Au cabaret sont exposés les premières oeuvres de Lautrec et ses dessins sont reproduits dans le “Mirliton” qu’édite Bruant.


 

Les années qui suivent sont de plus en plus fécondes. En 1888, il peint au cirque Fernando l’écuyère et présente onze tableaux à l’exposition des XX de Bruxelles. En 1889, Lautrec participe au salon des indépendants et à celui du Cercle Volney.

Ecuyère à cru - 1899


En 1890 et 1891 années de grand travail : portraits et débuts dans la lithographie. Jusqu’à la veille de sa mort, Lautrec produira près de 400 estampes en noir et en couleur et 31 affiches dont il renouvelle l’art. Arrivée à Paris du cousin germain Gabriel Tapié de Celeyran venu terminer ses études de médecine, il deviendra le compagnon inséparable et discret du peintre. 1892 réouverture du Moulin Rouge qui lui inspira de nombreux tableaux.  1894 à Londres où l’a amené son ami Joyant, Lautec s’ennuie mais rend visite à Mme Whistler. C’est aussi l’année des maisons closes. Il en retire un nombre impressionnant d’études, de portraits et de scènes qui ont abouti au grand tableau du Salon de la rue des Moulins qui est au musée d’Albi.

1885, il fait le portrait de Suzanne Valadon

qui sera encore son modèle en 1889 dans "La Buveuse".

 

Le Ballet de Chilpéric avec Marcelle Lender

1896 Coll. M. John Hay Withney - New York.


 

En 1898 Lautrec a 34 ans, sa production est considérable, mais l’alcool dont il a abusé, les veilles, les plaisir, le travail ont gravement altéré sa santé. Il continue néanmoins à peindre.
Exposition à Londres “The Goupil Gallery”, Regent Street. Se sujets y scandalisent la presse et le public et lorsque le prince de Galles, futur Edward VII, honore le vernissage de sa visite, Lautrec dans un fauteuil, dort à poings fermés.
1899, son état de santé devient de plus en plus inquiétant, l’alcoolisme avec hallucinations et la syphilis contraignent à l’interner chez le Dr Sémelaigue ; ce sera terrible pour lui. Lorsqu’il sortira, son cousin Viaud le suivra partout pour éviter la rechute.

"l'amiral" Viaud


En 1901, à bout de résistance, Lautrec se rend à Malromé chercher refuge et affection chez sa mère. Il quitte Paris le 20 août et trouve encore le courage de terminer ses derniers tableaux : l’amiral Viaud et un examen à la Faculté de Médecine de Paris. Le 9 septembre, à 37 ans Henri de Toulouse Lautrec meurt, entouré des siens. Il repose au cimetière de Verdelais près de Malromé.

Bibliographie :
Toulouse Lautrec Album de famile - Charles de Rodat Jean Cazelles
Toulouse Lautrec - Le Grand Art en livre de poche - Internet



18/07/2012
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